Pour que gratuité de l’enseignement réussisse en RDC

In Congo profond
Haut-Katanga, PAM, Enseignement gratuit

Le gouvernement de la RDC a décrété la gratuité de l’enseignement primaire public sur toute l’étendue du territoire national. Cette exigence constitutionnelle devrait permettre à plus de 3 millions d’enfants d’accéder à l’éducation de base. Cependant, la pauvreté toujours forte dans le pays risque d’en empêcher plusieurs.

Très vite, beaucoup de congolais n’ont pas tardé à susciter des doutes. Notamment, quant à la mise en oeuvre d’une gratuité de l’enseignement qui profite véritablement à tous.

Faute d’une telle assurance, les syndicats des enseignants par exemple, ont qualifié la mesure du gouvernement de cosmétique.

Puisqu’elle procède d’une argumentation qui tient plus à la forme qu’au contenu. La forme, en effet, montre un gouvernement qui s’engage à appliquer une exigence constitutionnelle : l’enseignement de base gratuit.

Ecoles publiques, Elèves
Une classe de l’Ecole primaire Chem-Chem 1 le jour de la rentrée, le 2 septembre 2019 à Lubumbashi. Photo Didier Makal

Mais au fond, beaucoup manque à ce stade: les écoles publiques capables de recevoir tous les enfants à l’age scolaire. Sauf à compter sur les écoles privées. Or, jusqu’ici, ces dernières ne font pas partie de la stratégie gouvernementale.

3,5 millions d’enfants non scolarisés en RDC

18 jours après la rentrée scolaire. A Lubumbashi, le chef-lieu de la province du Haut-Katanga, dans une parcelle du quartier Kamatete dans la périphérie de la ville, 6 enfants s’affairent à trouver quelques patates enfouis dans une terre sèche et dure.

C’est encore la saison sèche. S’ils trouvent chacun 2 ou 3 patates, ça va apaiser leur faim, nous confient-ils. Espoirs contredits par la nature au bout d’un travail acharné.

On peut le lire sur, leurs visages. Ventre affamé n’étudie pas, et Dan Kalala, le frère ainé de la fraterie sait bien qui lui arrive en cette rentrée des classes. « Nous n’allons pas étudier cette année, faute d’argent. Mais papa a dit qu’il nous enverra l’année prochaine à l’école, s’il trouve de l’argent ».

Comme ces six gamins, beaucoup d’enfants en âge scolaire continuent à évoluer en dehors du système éducatif congolais. Cela, en dépit de l’annonce par le gouvernement congolais de la gratuité de l’enseignement primaire.

En mai 2019, le partenariat mondial de l’éducation, une organisation internationale visant à garantir l’accès pour tous les enfants à l’éducation, avait recensé 3,5 millions d’enfants congolais en âge de fréquenter l’école primaire, mais qui ne sont pas scolarisés.

A l’école primaire gratuite, la scolarité des enfants a un prix

Beaucoup de parents congolais ont encore du travail à faire pour scolariser leurs enfants. A défaut de trouver une place dans une école publique (toujours en nombre insuffisant), par exemple, les écoles privées restent l’unique alternative pour scolariser des jeunes enfants.

Cela va naturellement avec le paiement des frais de motivation des enseignants, qui durent déjà 27 ans. Pourtant l’annonce de la gratuité de l’enseignement primaire en RDC devrait déjà contribuer à la réduction sensible du nombre d’enfants non scolarisés.

Bien entendu, dans une perspective de l’élimination totale de l’analphabétisation en RDC. Ainsi tous les parents devraient être soulagés du poids financier qu’imposent les frais d’études primaires notamment.

Lubumbashi manque d’écoles publiques

Dans une interview à Congo durable, Ilunga kadi kaswilo a indiqué que le Haut-Katanga compte 75% d’écoles privées contre seulement 25% d’écoles publiques. 

À Lubumbashi, ces écoles publiques sont visibles dans le centre-ville, et dans les 7 communes ayant constitué le paysage urbain de la ville dès l’époque coloniale. En raison, pratiquement, d’une ou deux écoles publiques par commune.

Mais l’expansion de la ville à la suite du boom démographique et l’exode rurale n’est pas allé avec la construction d’écoles publiques 59 ans après. 

Pourtant, ce sont exclusivement ces écoles publiques qui sont concernées par la gratuité de enseignement primaire. Mais quant à la commune Annexe, une commune urbano-rurale qui entoure toute la ville de Lubumbashi, elle manque presque d’écoles publiques.

Elle est pourtant la plus vaste de la ville. C’est en plus elle qui abrite le plus de familles refavorisées, et de ce fait, croit un célèbre d’une ONG, beaucoup d’enfants pauvres de la ville.

Rentrée des classes, Enseignant congolais
Une classe à la rentrée des classes 2019 à Lubumbashi: EP Chem-Chem. Photo Didier Makal.

Enfants pauvres, des villages, et des quartiers populaires 

Ces enfants sont ainsi, comme beaucoup d’autres des milieux ruraux et des quartiers populaires, les moins capables de profiter de la gratuité de l’enseignement primaire.

D’autant plus que pour accéder à l’école primaire gratuite, au centre-ville, certains de ces enfants de la périphérie de Lubumbashi, doivent payer en moyenne 2000 FC (+1$ US) par jour pour le transport par bus. Dans une ville qui n’a pas de moyens de transport publics. Cette moyenne fait un total de 48000 Francs congolais, soir environs 300 USD l’an. 

Il faut pourtant nourrir tous les matins les écoliers, et à leur sortie de l’école. Or, la vie chère persistant à Lubumbashi comme dans beaucoup de villes congolaises, plusieurs foyers n’offrent qu’un seul repas par jour.

Lire aussi : Pénuries de farine de maïs, ou manger par intermittence à Lubumbashi

Construire plusieurs écoles publiques

Pour venir au bout de cette situation, le syndicaliste Ilunga Kadi Kaswilo recommande de construire progressivement des écoles publiques. Surtout dans les villages et les communes rurales en expansion. Une telle décision publique devrait, selon lui, « favoriser réellement la gratuité de l’enseignement.  Primaire en général, et à Lubumbashi en particulier », précise l’enseignant. 

En 1992, les parents congolais décidaient de prendre en charge les frais d’études de leurs enfants suite à l’incapacité du gouvernement de payer les enseignants. 14 ans après la RDC avait érigé la gratuité de l’enseignement primaire en une obligation constitutionnelle avec comme année scolaire d’essai, l’année 2007-2008. Craignant d’aborder la question avec précipitation, les autorités de l’époque, sous Joseph Kabila, avaient commencé par la réduction des frais scolaires comparativement aux années précédentes. 


27 ans de tâtonnements vers une école gratuite en RDC 

Le gouvernement avait aussi décidé de l’interdiction d’autres frais ne se trouvant pas sur la liste des frais à payer par les parents. Mais la mesure a souvent souffert d’application. 

Pour l’année scolaire 2019-2020, la gratuité de l’enseignement primaire devrait être totale sur toute l’étendue de la RDC. Servant aussu de test, cette année devrait définitivement marquer la fin du paiement de supplément de salaire des enseignants par les parents en RDC.

Du moins tel qu’annoncé par le président Félix Tshisekedi. Mais le grand défi reste le niveau de satisfaction des enseignants par les pouvoirs publics. Jusqu’ici, les enseignants ne voudraient pas recevoir moins de revenu qu’avant. 

Willy Mbuyu

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