Beaucoup ont sans doute salué la renaissance ou, plutôt, l’éveil (réveil) de la justice congolaise. Un gros poisson, Vital Kamerhe, a été arrêté par un magistrat décidé de voir clair dans une affaire de détournement de fonds publics.
Il n’était jamais arrivé à un directeur de cabinet du président d’être poursuivi en justice en RDC. Mais, alors que la justice congolaise retient Vital Kamerhe, d’autres cas contrastent avec l’image de réveil judiciaire.
Exemple de renaissance de la justice?
En effet, le directeur de l’Ogefrem, l’office des frets multimodal de la RDC, n’a pas répondu aux invitations du procureur. Le même qui a interpellé d’autres responsables d’entreprises publiques ou privées, n’a pas réussi à faire déplacer ce fonctionnaire public.
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Le parquet le soupçonne de détournement des fonds publics. Plusieurs médias lient son accusation à l’affaire du programme de 100 jours. Programme du président Félix Tshisekedi lancé au début de son quinquennat en 2019. Mais le concerné a fait savoir qu’il n’a rien à voir avec ce dossier.
Pour la plupart, les projets de ce programme (100 jours) n’ont pas abouti ou, parfois, n’ont jamais démarré.
Alors que la justice s’est saisie de ces dossiers, beaucoup de Congolais saluent l’éveil de la justice. Et c’est l’avis de l’avocat et défenseur des droits humains Hubert Tshiswaka. Selon lui, la justice voudrait s’affranchir des pressions de l’exécutif. Et cela se prouve avec les dossiers en cours.
Quand la justice ne sait pas avancer
Pourtant, d’autres sujets urgents au même moment, montrent que cette justice n’aurait probablement pas changé d’attitude.
Ou du moins, qu’elle continue d’échapper à l’indépendance que consenterait le président Tshisekedi. Ou encore, qu’elle continuerait de recevoir des injonctions de l’ancien pouvoir, l’actuel FCC.
Ainsi, d’après des récits que l’on peut rencontrer sur les réseaux sociaux, certains Congolais pensent que le directeur de l’Ogefrem profite de la protection d’un proche de l’ancien président Joseph Kabila.
Deux autres cas tendent à soutenir aussi la thèse d’une justice encore aux ordres de l’ancien régime. La mise sous mandat d’arrêt de l’évêque Mukuna, devenu détracteur de Joseph Kabila et la plainte contre ce dernier.
Mukuna a déposé une plainte contre l’ancien président, qu’il accuse de nombreux crimes sous son mandat. La justice n’a pas, à ce jour, lancé de procédure ni commenté l’affaire.
Et au même moment a émergé une plainte pour viol contre le pasteur. Accusation qui a suivi la publication d’une sextape impliquant le pasteur et la présumée victime de viol.
La concomitance de ces affaires étonne toutefois. Surtout, à lire les réactions des proches de Joseph Kabila contre le pasteur Mukuna.
Ainsi, par exemple, Barnabé Kikaya a indiqué que ce qui arrive à l’évêque, qui a porté une plainte contre l’ancien président, n’est qu’un avant-goût. Ce qui, pour les proches de Mukuna, notamment le défenseur des droits humains Jean-Claude Katende, vaut menace.
Co ds les fables, ns méditons sur “Les animaux malades de la peste” avec le covid19. Voilà que “La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf” s’invite au débat. Tu seras châtié de ta témérité pour avoir prononcé le nom de Dieu en vain. Makala n’est qu’un avant goût.
— Barnabé Kikaya Bin Karubi (@kikayabinkarubi) May 14, 2020
Justice, ou politique ?
En somme, le fait que l’affaire de viol éclate contre Mukuna au même moment qu’il s’en est pris à Kabila, laisse croire que la justice qui vient d’interpeller l’évêque pourrait avoir reçu l’idée avant d’agir.
Puisque cette arrestation provisoire tend à bloquer une autre action, ou du moins, à en détourner l’attention du public. Il s’agit de la plainte pour les crimes que l’évêque impute à l’ancien président.
Autrement dit, il y aurait de fortes chances que l’action du procureur contre Mukuna soit plus politique que simplement judiciaire.
Didier Makal