« Le Lualaba semble se perdre démesurément ». C’est un constat du député Louis Kamwenyi Lumbu. Le 30 mars 2021 à Kolwezi, il lançait le démarrage d’une nouvelle session parlementaire. Ses mots ne cachent rien de la situation qui prévaut dans la province.
Cette rentrée parlementaire eu donc une tonalité particulière. Des jours plus tôt, le bureau de l’assemblée provinciale avait annoncé son adhésion à l’Union sacrée. Une union voulue par le président Félix Tshisekedi et qui vu démarrer de nombreuses adhésions. Surtout des membres du FCC de l’ancien président Joseph Kabila. Et, dans un ultime moment, les député dans le Lualaba sont entrés aussi en danse.
« Accusations et ripostes s’entrecroisent », constate le député. Il dénonce en passant des manipulations d’images et d’informations. Ces dernières auraient pour résultat le fait que « la polémique, partout règne en maître » dans le Lualaba (…). Et que « Le Lualaba semble se perdre démesurément ». Mais pourquoi tout cela? s’interroge le président de l’assemblée provinciale. Il répond lui-même: « A mon humble avis, c’est à cause de l’intolérance et du snobisme infernal ».
La province ainsi du Lualaba vient d’enregistrer un premier retour parlementaire sans son gouverneur. La vice-gouverneure qui gère depuis, Fifi Masuka, y a toutefois pris part. Depuis 3 mois, Richard Muyej qui jouit d’une popularité certaine à Kolwezi, n’est plus rentré dans sa province. Son histoire reste on ne peut plus confuse étant donné ses nombreuses péripéties.
#Kolwezi: « Accusations et ripostes s'entrecroisent » (...) « La polémique, partout règne en maître »(...). «Le #Lualaba semble se perdre démesurément. Mais pourquoi tout cela? A mon humble avis, c'est à cause de l'intolérance et du snobisme infernal. » Le Président de l'ass.prov pic.twitter.com/l6gX0k3xyq
— KYONDO MOBILE (@KyondoMobile) March 30, 2021
Richard Muyej, trois mois d’absence
D’abord une visite à Kinshasa, sur fond d’accusations de gestion financière lacunaire de la province avec sa vice-gouverneur. Visite qui s’allonge. Fifi Masuka, qui dirige la province depuis, et son gouverneur Richard Muyej, se sont affrontés par lettres interposées, entre fin décembre 2020 et le début du premier trimestre de 2021. Tous les deux avaient pris à témoin les députés provinciaux à qui ils rendaient ainsi compte de leur gestion.
Ensuite, alors que Richard Muyej a été parfois donné comme souffrant et en soin, n’a plus regagné Kolwezi. D’après le journaliste Alain Muyuk, proche du gouverneur, celui-ci devrait bientôt revenir à Kolwezi. Il serait en convalescence et que tout irait bien pour lui. « Il s’annonce pour très bientôt, explique le journaliste. Il attend son dernier contrôle médical en Afrique du Sud. » Pour lui, l’hypothèse d’une suspension ne peut pas tenir. Puisqu’aucune annonce n’a été faite au concerné dans ce sens. Dès lors, pourquoi ne lui annoncerait-on pas sa suspension, interroge-t-il.
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Ainsi, les sources qui le donnent “bloqué à Kinshasa” par le pouvoir central ne seraient que des rumeurs. Elles seraient nourries par l’absence de communication sur l’absence du gouverneur. Ce qui a contribué à tendre la situation entre partisans du gouverneur et ceux de son adjointe dans la capitale provinciale. Certains sont dérangés de voir la vice-gouverneur diriger la province. Ils l’accusent de complicité d’un “complot” qui viserait à faire tomber le gouverneur.
Une chose semble cependant certaine, pour une source qui a requit l’anonymat. Les tensions entre le gouverneur Muyej et son adjoint Masuka ne sont pas récentes. Elles dateraient de la période où ils étaient encore tous les deux commissaires spéciaux. Si elles ont quasiment disparu pour permettre aux deux de se présenter ensemble deux fois aux élections. Elles semblent réapparaître du fait de peu de consultation de l’adjointe par son titulaire.
Un gouverneur trop kabiliste sur le Lualaba?
Seulement, indiquent d’autres sources, Richard Muyej aurait bien d’ennuis politiques personnels. C’est notamment ses relations peu cordiales avec le nouveau régime. Ancien ministre de l’intérieur de Joseph Kabila, il est aussi un des “grands” de l’ancien parti présidentiel, le PPRD.
Muyej a compté pendant un temps comme un des hommes de confiance de Joseph Kabila. Il a pour cela géré le ministère de la décentralisation et mis en œuvre le découpage de la RDC en 26 provinces, en 2015. Un projet en veilleuse depuis 2005. Année prévue par la Constitution pour sa mise en œuvre. Et que le président Kabila avait accéléré en 2015. Cela avait suscité au passage les soupçons de l’utiliser contre Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga. Celui-ci venait alors de quitter le PPRD et de démissionner de son poste de gouverneur. Bien plus, les analystes le donnaient challenger du chef de l’Etat tenté par un 3e mandat interdit par la constitution.
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Muyej dirige le Lualaba depuis 2015, d’abord en tant que commissaire spécial et puis, en qualité de gouverneur. Bien sûr, après deux élections provinciales qu’il a remportées, avec Masuka comme colistière. Province riche en cuivre et cobalt, le Lualaba constitue avec le Haut-Katanga un bloc stratégique de l’ancien Katanga. De l’avis d’un politicien bien introduit dans cette région, le nouveau régime ne saurait diriger sans contrôler cette zone. Un enjeu économique, par ailleurs, qui sonne surtout comme enjeu électoral. Etant donné que les manœuvres électorales pour 2023 semblent avoir commencé, indique la source. “Il faut de l’argent pour tous les camps [camp présidentiel, et de même le FCC, ndlr]”.
Des enjeux électoraux: 2023 approchant…
Or, Muyej a continué de se montrer plus kabiliste. Ce qui n’a pas été du goût de nombreux membres du camp présidentiel actuel. Surtout après un accueil “triomphal” réservé à Kolwezi le 11 décembre à l’ancien président Kabila. Accueil qui venait juste des jours après une descente de Kinshasa à Lubumbashi reportée dans un contexte tendu entre le FCC et le camp présidentiel.
Autant de situations qui pourraient expliquer les tensions perceptibles à Kolwezi depuis trois mois. Ces derniers jours, elles semblent remonter d’un cran après une relative accalmie depuis le mois de février. L’assemblée provinciale pourrait jouer un rôle majeur si elle décide de rester au-dessus de la mêlée. Et c’est là que s’entend la voix du député Louis Kamwenyi Lumbu qui se veut conciliante. Il reste à savoir si elle sera suivie, tant les ardeurs semblent plus prononcées.
CD
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