Kabund à Makala : 2 erreurs qu’on pouvait éviter

In Opinions
Jean-Marc Kabund devant un groupe d'élèves à l'assemblée nationale - RDC

La justice a placé Jean-Marc Kabund, récemment passé dans l’opposition, sous mandat d’arrêt provisoire. Ce mardi, l’ancien vice-président et chef de l’UDPS ad intérim s’était rendu à sa seconde audition à la cour de cassation à Kinshasa.

Une erreur et une autre erreur font deux. La première, c’est l’accusateur qu’il l’assume : Jean-Marc Kabund, et la seconde, le président Félix Tshisekedi au nom de qui ces poursuites ont lieu. Il aura beau clamer sa distance avec la procédure judiciaire en cours, le timing dit tout le contraire.

Le mardi 9 août 2022 restera le jour où Félix Tshisekedi, qui avait pourtant promis liberté d’expression et état de droit, aura vu en son nom la justice arrêter et jeter en prison son ancien plus proche collaborateur au sein de son parti, UDPS. Sans lever ses immunités de député, en plus.

Et Kabund ? Ce sera le jour où, s’il a la chance de parvenir à cette exceptionnelle lucidité, il aura mesuré la gravité de sa liberté de parole.

Kabund vs Tshisekedi

L’affaire peut se résumer en une rivalité entre Jean-Marc Kabund et Félix Tshisekedi. Président intérimaire du parti présidentiel, Kabund a tenu des propos jugés graves.

Ces propos porteraient atteinte à la dignité des institutions, dont fait partie le président de la République. En RDC, conformément à la constitution, le président de la République est en effet une institution.

Ces propos qui qualifient de danger pour la République et d’incompétent le chef de l’Etat, la justice les juge « de nature à alarmer la population ».

Lire | Politique congolaise : Jean-Marc Kabund ou l’arroseur arrosé

La décision d’arrêter Kabund au deuxième jour de son audition semble avoir été prise avant. Et non pas séance tenante, au gré de l’évolution de l’audience. Puisque, si l’on en croit les reporters d’Actualite.cd, la justice a renforcé la présence policière autour de la cour de cassation. Les reporters ont vu davantage de jeeps de policiers.

Puis, Kabund qui y était encore entendu, a été conduit à la prison de Makala.
A deux reprises, il a refusé de répondre à l’appel du président de l’Assemblée nationale Christophe Mboso. Il savait que le procureur général avait requis la levée de ses immunités. Pour ne pas faciliter la tâche à la justice, l’ancien numéro 2 de la chambre basse du parlement a boudé les appels de Mboso.

L’erreur de Félix Tshisekedi

Que la justice ait décidé de l’arrêter, sans ses immunités n’aient été levées, il y a un problème. Et la défense du député national arrêté ne peut que taper sur la violation de la procédure. Ce qui, de toute évidence, sert bien la cause de cet opposant politique qui clame naguère une chasse à la sorcière.

Mais, ce n’est pas cela qui constitue la faute de Félix Tshisekedi. En garant de la bonne marche des institutions, il ne devrait pas donner des injonctions à la justice. Bien entendu, il se défendrait volontiers de ne pouvoir le faire. Mais, quand ces mêmes institutions, la justice en l’occurrence, se passent des procédures, il y a problème.

Lorsqu’en plus, le président Tshisekedi laisse la justice chasser Kabund, pour avoir dit des choses jugées graves sur le chef de État qu’il est, il ne peut que difficilement convaincre qu’il est toujours le bon garant du bon fonctionnement des institutions. Sa tâche, certes, restera difficile étant donné qu’il est concerné.

Dès lors, n’aurait-il pas été bonne sagesse, de laisser faire ? Laisser passer l’occasion, sans tremblement de terre sur la planète Kabund. De cette sorte, on ne dirait pas que quelqu’un veut faire voir à l’opposant de quel boit se chauffe le pouvoir.

Mais quelle mouche a piqué Kabund?

Pour cela, il n’est pas question de prendre parti pour le Maître nageur qui, sentant se préciser la menace, n’a pas sauté à l’eau. La route de Brazzaville, il aurait pu la prendre, déguisé en pêcheur ou en autre apparence qui puisse le sauver.

Peut-être n’a-t-il jamais, jusqu’à alors, mesuré la gravité de ses propos. Ou encore, il aurait voulu assumer ses propos, jusqu’au bout. Dans les deux cas, le député Kabund qui, de surcroît étudie le droit dans une université de la capitale, a vu trop vaste sa liberté.

Liberté de parole. Liberté sans limite, comme on la découvre chez plusieurs membres du parti qui l’a porté jusqu’à son exclusion.

En effet, lorsqu’on affirme que des mâles d’argent se sont envolées dans des jets privés à destination des paradis fiscaux, on doit en avoir des preuves. On doit, juridiquement, pouvoir en apporter les témoignages solides, pas seulement se contenter de le dire.

Puisqu’à la fin, les choses ne deviennent vraies ou fausses parce qu’on les déclarent. Mais parce qu’on en a des preuves. Certaines vérités, malheureusement, sont obligées à mourir, ne jamais être les dites publiquement. Simplement parce qu’il manque des moyens pour les prouver. C’est la partie pénible du fait d’avoir vu, entendu ou connu quelques chose.

Savoir contrôler sa bouche et ses émotions

Kabund avait peut-être vu quelque chose. Le procureur a aussi, de toute évidence, le droit de l’inviter à lui en dire plus afin qu’il prenne des dispositions utiles. Mais, hélas, que Kabund a manqué au devoir de prudence, de réserve pour lui-même, pour sa famille à qui il va bientôt manquer, et pour la République.

Puisque s’il avait agi en homme prudent, il aurait vu venir ce jour où le procureur devait l’inviter le renseigner sur ses déclarations. Il devait, alors longtemps avant, avoir préparé ses preuves.

Sinon, il devait se taire. Car, c’est une sagesse que de le vivre : ne dire quelque chose que quand cela vaut mieux que le silence. Mais, Kabund devait-il donc se taire ? Non. Il devait tout ce qu’il pouvait, à condition de pouvoir le prouver, le démontrer. C’est, au demeurant, la belle résolution que d’autres énervés, d’autres beaux parleurs et injurieurs devraient apprendre. Malheureusement, beaucoup de partis politiques ne tiennent pas à la parole rigoureusement vraie, responsable et vérifiable.

Malgré les exemples des déclarations à problème qui se multiplient, et qui semblent n’intéresser la justice que quand cela nuit au pouvoir en place, certains partis politiques continuent à envoyer des communicateurs qui distillent injures et mensonges.

DM

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