RDC: la télémédecine pour lutter contre les décès maternels

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Photo UNICEF, Illustration

Mettre au monde est un merveilleux moment pour toutes les mères. Aucune femme ne devrait en mourir. Pourtant, plusieurs mères ne s’en sortent pas vivantes. Au pire, c’est la mère et l’enfant qui meurent. Pour certains spécialistes, la télémédecine est une opportunité pour remédier à cela.

En 2022, madame Nelly (nom changé) a frôlé la mort. Elle souffrait de la tension artérielle pendant qu’elle attendait un bébé. « Il m’est arrivée de tomber. J’avais des douleurs, des vertiges et j’étais tout le temps fatiguée. Je croyais que c’était des malaises normales du fait d’être enceinte », s’est-elle confiée. Mais rien de cela n’était normal.

Avisée, elle gardait un contact permanent avec son médecin et cela lui a évité le pire. Son cas a nécessité des nombreux tours à l’hôpital, et une grosse facture à la clé. C’est pour réduire les coûts qu’une nouvelle approche lui a été préconisée : la téléconsultation et la télésurveillance. Des pratiques de la télémédecine qui répondent aux exigences des technologies et techniques modernes.

« J’avais des complications même la nuit ou au moment où je ne savais pas me déplacer. J’utilisais la tablette que mon mari m’avait prêtée pour échanger régulièrement avec mon médecin et lui faire part de ce qui n’allait pas. C’était sur internet. J’avais aussi réduit mes déplacements vers la clinique. », explique-t-elle.

Plusieurs femmes se sont retrouvées dans le cas de Nelly, mais n’ont pas bénéficié d’une prise en charge comme celle-là et sont mortes pendant l’accouchement. « C’est parfois des décès qu’on peut éviter si la prise en charge est assurée. », s’exclame Ami Abel, médecin généraliste.

Des chiffres alarmants

Selon un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, près de 287.000 décès maternels ont été enregistrés en 2020. Parmi eux, 95% de cas évitables se produisent dans les pays à faible revenu, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.

La République Démocratique du Congo figure parmi les pays d’Afrique qui enregistrent le taux le plus élevé des décès liés à la maternité. Sur 100 mille naissances vivantes, le pays compte au moins 547 décès maternels d’après le même rapport de l’OMS. Chaque heure, 3 femmes meurent des causes liées à la grossesse ou à l’accouchement, renseigne le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA).

Parmi les causes de ces décès, l’on note l’hypertension artérielle pendant la grossesse dont a souffert Nelly. Qu’elle soit une prééclampsie ou une éclampsie, il s’agit d’un problème de santé fréquent chez la femme enceinte.

La télémédecine pour réduire les décès maternels

Si la prise en charge complète de la femme enceinte n’est pas assurée, sa vie est en danger. Pour répondre aux causes des décès maternels, l’OMS reconnait que « Les soins prodigués par des professionnels de santé qualifiés avant, pendant et après l’accouchement permettent de sauver des femmes ».

Lire aussi : Santé: l’alimentation, un facteur déterminant chez la femme enceinte

En ce XXIème siècle où l’on assiste à une explosion des technologies émergentes de la santé, certains de ces soins pouvaient bien se donner à distance. Par exemple, plusieurs femmes interrogées au sujet leur intérêt porté sur la consultation prénatale parlent du manque de moyens, du temps suite aux longues files d’attente, ou tout simplement la paresse. En cas d’hypertension artérielle, le recours à la télémédecine peut réduire le nombre des déplacements vers un centre de santé et encourager les femmes enceintes à suivre les soins.

Eric Ntumba témoigne sur une expérience de télésurveillance : « Ma femme a beaucoup souffert de l’hypertension quand elle était enceinte. S’il n’y avait pas de suivi, je crois qu’elle allait mourir. Il lui fallait un contrôle régulier. Parfois, le médecin la surveillait de loin. On lui faisait rapport de l’évolution de sa santé. Je trouve que si cela se faisait sur une plateforme spécifique, ça va résoudre beaucoup de problèmes

Comme la numérisation et les dossiers de santé électronique, la télémédecine est une technologie émergente qui aide à réduire les inefficacités dans la prestation des soins de santé, améliorer l’accès aux soins de santé, réduire les dépenses de santé, rendre les services de santé plus centrés sur la personne, augmenter la qualité des soins de santé et personnaliser la médecine pour les besoins uniques de chaque malade.

La télémédecine en RDC

Le dictionnaire Le Robert définit la télémédecine comme étant « la pratique médicale réalisée à distance à l’aide des technologies de l’information et de la communication. ». Dans la lutte contre les décès maternels, la télésurveillance et quelques fois la téléconsultation peuvent être des solutions envisagées.

En République démocratique du Congo, le domaine n’est pas encore structuré. Pour l’obstétricien Mazono, « La télémédecine s’applique en RDC dans certains domaines comme celui de diagnostic. Mais elle n’est pas organisée ou structurée. Elle n’est pas formelle. » Il la recommande d’ailleurs moins dans la consultation prénatale par exemple pour éviter les dérapages. « Il n’est pas encore possible d’organiser la télé-CPN ici chez nous. Les choses doivent être bien organisées », ajoute-t-il.

La grande difficulté est aussi liée à la fracture numérique. Dans un pays à 90 millions d’habitants, 82,4% de la population n’a pas accès à Internet. Qui dit télémédecine fait référence aux nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ne peuvent s’appliquer qu’avec une connexion internet.

« Le ministère du numérique devrait collaborer avec celui de la santé pour permettre à ce que même les mères qui se trouvent dans les milieux les plus reculés du pays bénéficient des services de la télémédecine. », recommande Ami Abel.

En 2020, DKT, une ONG active en santé de la reproduction a lancé un centre d’appel et de télémédecine. L’objectif a été de « réduire le coût des consultations, de faciliter l’accès et d’assurer la continuité des services de santé reproductive au profit des femmes et des filles ne souhaitant pas se déplacer mais aussi en cas de longues files d’attente ou en cas d’interruption des services dispensés dans les établissements (ex. Pandémie Covid-19)».

Peu de personnes seulement peuvent accéder à ces services. La question se pose aussi autour de la sensibilisation. Même si un grand nombre devrait s’y intéresser, cela n’est pas faisable sans être sensibilisés.

Quid du cadre réglementaire ?

La loi congolaise demeure muette au sujet de la télémédecine en RDC. Ce qui peut renvoyer à la problématique des médecins non qualifiés ou « faux médecins ». Le Dr Ami Abel explique : « Il suffit d’avoir un jeune frère qui maitrise des notions d’informatique et de créer un cabinet virtuel. Cela est aussi un grand défi que l’Etat congolais devrait réglementer ce secteur dès maintenant. C’est ça le travail de nos députés. »

Même si les textes ne disent rien à ce sujet, la loi sur l’exercice de la médecine reconnait la collaboration dans la prise en charge des malades sans spécifier si l’on peut recourir à une expertise externe au moyen de la télécommunication.

Des innovations difficilement acceptées

Certaines femmes interviewées disent « préférer le contact physique » avec le médecin. C’est le cas de Gladys Mbuyi, mère de 4 enfants. Une première expérience pourrait lui faire changer d’avis. Mais son manque de confiance envers la télémédecine s’explique. Il s’agit d’une pratique encore peu répandue mais qui a démontré son efficacité en Occident et dans quelques pays d’Afrique. C’est le cas de la période de la pandémie de Covid-19.

Pour des cas présentant des hauts risques, la sage-femme Safi Ngamia recommande aux gestantes de consulter un gynécologue-obstétricien ou une sage-femme en présentiel.

« Avec la modernisation, on commence à accepter une consultation en ligne. Mais en ce qui concerne la grossesse, selon mon expérience, il serait mieux de se présenter à l’hôpital parce que chaque grossesse a ses réalités. Elle pourra rester à la maison et suivre ses consultations si sa grossesse évolue normalement sans pathologies», explique la sage-femme. Cela peut contribuer à résoudre des problèmes des décès maternels, a-t-elle mentionné.

Lire aussi : La perfusion pour toute maladie à Lubumbashi

Pour Justine Sangwa, « ça peut être une possibilité [la téléconsultation et la télésurveillance] ». La travailleuse et mère de deux enfants est à sa troisième grossesse. Elle est plutôt ouverte à cette technologie pourvu qu’elle gagne en temps.

Il est aussi important de souligner que la télémédecine n’a pas pour objectif de se substituer au médecin de terrain. Le docteur Ami Abel souligne que « la télémédecine ne vient pas remplacer la médecine classique. Elle est complémentaire ». Ainsi, pour quatre à huit séances de consultations prénatales, la moitié peut être suivie à distance. C’est aussi une manière de redonner du goût aux femmes qui manifestent peu d’intérêt à cet exercice.

Avec la télémédecine, ce que la RDC gagne

Au regard du taux élevé des décès maternels, réduire les cas de mortalité maternelle causés par l’hypertension artérielle, par exemple, peut baisser les chiffres de manière générale.

Pour ce qui concerne la tension artérielle gravidique, plus le problème est détecté tôt, mieux la prise en charge est assurée. La plus grande part est celle de l’Etat congolais qui est censé organiser la télémédecine et l’accompagner des textes. La mobilisation des solutions technologiques utiles dans ce cas précis pourrait contribuer à la réduction du taux des décès maternels qui placent la RDC parmi les pays en état d’alerte.

L’Union Africaine recommande d’ailleurs de recourir aux technologies émergentes de la santé pour répondre aux défis que présentent les systèmes sanitaires sur le continent. Ces technologies deviennent de plus en plus nécessaires dans la résolution de certaines complications sanitaires comme celles liées aux décès maternels.

Par Gloria Mpanga

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