En République démocratique du Congo, les associations socioculturelles et la politique font chemin ensemble. Les choix des nominations dans les ministères ou autres fonctions politiques découlent souvent de ces organisations. Pire encore, les électeurs se basent sur l’appartenance des candidats pour opérer un choix. Pendant cette période électorale, les promesses des ralliements de ces associations aux candidats aux élections présidentielle, législatives et localesse multiplient. Une forme de soutien apporté à ceux qu’ils considèrent comme “les leurs”.
Ce fait nous conduit à nous interroger sur la raison d’être des associations socioculturelles et sur les critères d’adhésion à un parti ou de choix du soutien d’un candidat.
Associations socioculturelles, pour quelle mission ?
En soi, les associations socioculturelles n’ont pas le droit d’interférer dans les affaires politiques. Leur mission est de rapprocher les ressortissants d’un milieu souvent ethnique pour faire revivre leur culture loin des lieux dediffusion.
Ainsi, l’appartenance à une telle association voire à une ethnie ne devrait pas constituer un élément déterminant de choix lors des élections. Le vote devrait être libre et indépendant.
En République démocratique du Congo, les associations socioculturelles sont plutôt politiques que culturelles. On ferait peut-être mieux de parler des « associations sociopolitiques ». Les messages partagés des différentes rencontres organisées surtout pendant cette période électorale ne se résument qu’à la politique. « Soutenons le nôtre », « C’est notre fils ou fille » parlant des tribus.
L’utopie de l’unité dans la diversité
L’unité ne saurait se tracer dans une affirmation continue d’appartenance à un espace culturel ou ethnique spécifique, mais plutôt dans une articulation respectueuse des différences, dans une mise en valeur de leurs richesses respectives.
C’est là que se trouve la raison d’être des associations socioculturelles. Elles doivent promouvoir la connaissance des cultures de leur histoire au sein de leurs membres et vers l’extérieur. Les moyens pour réaliser cet objectif sont divers. Ils peuvent aller de la création des centres socioculturels dotés des bibliothèques spécialisées, des salles de théâtre, des radios en langues locales à la promotion des spectacles au pays et à l’étranger. Quand ces associations veulent déterminer une ligne politique pour tous les membres, elles vont au-delà de leur raison d’être.
Dans un pays pluriethnique comme la RDC, la tournure que les associations socioculturelles ont prise n’est rien d’autre que de favoriser le tribalisme. « Nous constatons malheureusement que ces appartenances continuent à jouer un grand rôle dans notre société. », regrette l’activiste des droits de l’homme etprésident de l’Association africaine des droits de l’homme (ASADHO), maître Jean-Claude Katende. Il répondait à la question de savoir si l’appartenance à une ethnie, à un groupe linguistique ou à un territoire devrait déterminer un choix politique.
Il estime qu’il ne suffit pas d’appartenir à un groupe des gens du lieu pour avoir un bilan meilleur qu’un “non originaire “. L’homme politique doit viser le bien commun de toute la société et non les intérêts d’un groupement au détriment des autres. La monopolisation du pouvoir dans les mains de quelques-uns n’est pas synonyme d’avancement pour tous, c’est plutôt le contraire.
Alors que le pays s’est engagé à lutter contre les antivaleurs comme le tribalisme, les discours séparateurs ou de haine, les divisions, les associations socioculturelles devraient se limiter à leur rôle. La nation doit passer avant la tribu.
Le choix politique doit-il s’opérer sur base de quel critère ?
Pour sa part, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a invité les électeurs à opérer un choix objectif des candidats. Le vote doit se baser sur le bilan, les programmes, et sur les valeurs défendues. Elle a découragé l’achat des consciences.
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« Les élections nous donnent le pouvoir de renouveler la confiance aux animateurs des institutions qui ont bien servi le pays, mais aussi de sanctionner tous ceux qui ont mal géré en se servant leurs propres intérêts. Face aux nouveaux candidats, privilégions les critères objectifs de compétence et de probité morale », a déclaré la CENCO dans un communiqué publié le 22 novembre 2023.
Aucun choix ne devrait donc se baser sur la tribu. Le défi reste énorme, teinté de frustrations et de mécontentementsau regard du nouveau rôle que ce sont attribuées les associations socioculturelles congolaises.
Par Patrick Muzamba & Gloria Mpanga