RDC: Félix Tshisekedi et les réformes qu’il n’osera peut-être jamais [Opinion]

In Congo profond, Opinions, Politique
Félix Tshisekedi, l'état d'urgence

Le second mandat de Félix Tsekedi à la tête de la RDC est sa dernière chance de corriger les erreurs qu’il a reconnues de son premier mandat. Aussi l’occasion de mieux s’imprimer dans l’histoire du pays. Pour cela, il faudra des réformes, beaucoup de réformes. Mais pour s’y engager, il lui faudra du courage, de l’audace, de la détermination, surtout après son premier quinquennat marqué par de nombreux rendez-vous manqués. Cela fait partie des enjeux de son nouveau mandat.

On peut admettre qu’à l’issue de son premier mandat, Félix Tshisekedi a muri dans son rôle. Il devrait être plus à même d’affronter les défis qui l’attendent et oser des réformes qui feront de la RDC un pays résilient. Au cours de ce prochain quinquenat, le pays devrait amorcer sa stabilité et son essort économique qui passent par 5 réformes majeures et urgentes.

En finir avec les élections contestables

La promesse de bonnes élections faite par Tshisekedi n’a pas tenu, quoiqu’on ait du mal à clairement déterminer le coupable. Mais déjà, son premier mandat avait démarré sur une note très peu rassurante. Plusieurs, en RDC comme à l’étranger, répétaient que l’élu n’était pas celui qui avait prêté serment le 24 janvier 2019, succdant à Joseph Kabila. Même le chef de la centrale électorale de l’époque, Corneille Nangaa devenu chef rebelle, l’a dit.

Opération d'enrôlement des électeurs en RDC
Enrôlement des électeurs à Lubumbashi (2017). *Ph.: Didier Makal

Or, son second mandat, même au plus fort d’un score lourd de plus de 73% de suffrages, souffre des accusations graves de fraudes. Et ce ne sont pas des preuves qui manquent. Même dans son propre camp, l’indignation est montée au sujet des législatives. Pourtant, le vote ayant été à bulletin unique, on ne pouvait frauder pour un député sans le faire pour le président de la république. Mais c’est une page tournée.

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D’où la réforme majeure qui devrait consister en la dépolitisation de la centrale électorale. Cela passera par la fin du système de représentation des forces politiques dans la gestion de cette centrale. La confier aux organisations nationales qui n’ont pas d’accointances politiques renforcera la crédibilité de l’institution électorale.

Aussi, il est surprenant que siègent aux parlements des élus “désignés” sur la base des listes électorales et non pas de leur succès dans les urnes. Un député avec 1700 voix élu, au nom d’une liste électorale, alors que dans la même circonscription électorale, celui qui a 6000 voix n’est pas élu, parce qu’il faut appliquer un système proportionnel. Au final, les élus ne le sont pas pour leurs électeurs : ils le sont pour leurs partis politiques. Or, rarement les électeurs congolais votent pour les partis politiques. Il y a lieu de constater une fraude légale, un vol systémique des voix. Et plus gravement encore, on aura un nombre suffisant de députés élus au poids mouche alors que ceux qui ont le vrai soutien populaire ne siégeront pas. Il y a urgence !

Après 4 cycles électoraux depuis 2006, il n’est pas normal que le Congo continue de cheminer vers une tradition des contestations électorales. Une telle culture est non seulement dangereuse pour la stabilité des institutions, mais aussi, elle salit constamment l’image du pays et blesse la fierté de ses ressortissants. Il faut des reformes pour restaurer la confiance.

Les assemblées provinciales et la carrière de parlementaire

Haut-Katanga, Lubumbashi, députés nationaux
Siège de l’assemblée provinciale du Haut-Katanga à Lubumbashi

La deuxième réforme devrait concerner la fin des institutions qui participent à creuser les caisses publiques et ne sont pas aussi nécessaires qu’on le prétend. C’est le cas des assemblées provinciales. Elles ne servent presque pas à grand-chose à la République. Leurs activités législatives sont quasiment nulles, avec des lois à impact presque faible ou inexistant. Quant aux contrôles parlementaires, au sein des gouvernements des Provinces, ils sont très peu fréquents et souvent orientés vers la déstabilisation des gouvernements provinciaux.

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C’est sans compter avec le fait que leur nombre fait exploser le budget des institutions, privant les provinces de recettes à affecter aux infrastructures de base et autres services urgents pour la paix et la stabilité comme la police. S’il faut compter le nombre d’institutions qui seront à charge du trésor, après l’installation des conseillers municipaux, maires et bourgmestres élus, il faut se demander surtout d’où l’on va tirer les fonds pour tenir le coût de tout cela.

Une des injustices graves du système électif congolais actuel est sans doute le fait que les députés et sénateurs sont des fonctionnaires. Des fonctionnaires gâtés sans raison. C’est la troisième réforme qui devrait être initiée. Ils travaillent peu pendant 6 mois l’an mais sont payés pour toute l’année. On paie leurs vacances alors que plusieurs autres fonctionnaires ou agents des services publics, le cas des soldats, n’ont pas le 10e de ces avantages insultants. C’est presque une fuite des capitaux.

Le président Félix Tshisekedi, même s’il croit que les députés font un travail très important, devrait réfléchir à faire cesser un tel système injuste. Les députés doivraient être payés seulement pour la durée de leurs sessions parlementaires. Pour le reste, chacun d’eux devrait retourner à ses activités ordinaires. Cela ferait des élus des citoyens exemplaires : car chacun les verra faire quelque chose d’autre que d’être uniquement parlementaire parfois inutile.

C’est un secret de Polychinelle que certains parlementaires finissent leurs mandats sans n’avoir rien proposé : ni en commissions, ni en plénière. Faut-il payer pour cela aussi, pour le simple fait qu’on a été proclamé élu, parfois grâce aux listes des partis et non pas par ses efforts et son ancrage social seuls ?

Une police nationale décentralisée et des élections anticipées

AK47, Police nationale
Une camionnette de la police congolaise à Lubumbashi. *Ph.: Didier Makal

Décentraliser la police ? Ce n’est pas une folie mais une réforme à oser. Il faut confier la gestion de la police aux provinces. Celles-ci forment leurs policiers, créent des commissariats, etc., selon leurs besoins. C’est grave de voyager de Kananga à Lodja, de Kolwezi à Kapanga, et de croiser 2 ou 3 postes de police sur les trajets, avec une arme pour 2 ou 3 éléments. Que peuvent-ils faire en cas d’urgence? Sait-on seulement s’ils s’entraînent ?

Confier la gestion des policiers, y compris le paiement des soldes, aux provinces va aider à recruter selon les besoins et les ressources disponibles. Le gouvernement central s’occupera des inspections et devra s’assurer que les fondamentaux légaux sont respectés. Il s’occupera ainsi exclusivement de la défense nationale, l’armée : l’équiper et améliorer les conditions de vie des militaires.

Quant aux élections, elles devraient s’organiser avant la fin du mandat du président sortant. Qu’elles se tiennent au moins 3 mois avant.

Comme en 2019, le président Tshisekedi a démarré son 2ème mandat sans un nouveau gouvernement. Puisque même s’il sait qu’il a désormais sa majorité au parlement, il faudra attendre fin mars (2024) pour voir les députés nationaux investir le gouvernement à constituer. En effet, il faut attendre que la nouvelle assemblée s’installe. Ainsi, le président élu passera ses 100 premiers jours sans gouvernement. Or on sait les limites d’une telle action, en se référant au sulfureux dossier des « Cent jours » géré par le cabinet du président en 2019 et qui a fini devant les tribunaux.

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Or, si le président est élu fin septembre de la dernière année de son mandat en même temps que les députés, l’assemblée sortante validera son gouvernement avant de se retirer, en décembre. Le 1er janvier de l’année suivante, le président élu entre en fonction. Quant à la nouvelle assemblée, elle prend ses fonctions effectivement à mars. Mais un gouvernement existe et fonctionne déjà.

Une telle procédure évitera de paralyser le président élu pendant un trimestre, et d’organiser les élections en pleine saison de pluies dans la majeure partie du pays. Ce qui n’est pratique.

La vision du chef de l’Etat est peut-être différente. Mais ces réformes, fruits d’une réflexion citoyenne, ne manqueraient point de marquer l’histoire nationale. C’est entre autres éternels défis que la RDC affronte depuis des années et qui tirent vers bas son progrès.

Par M3

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