Le présent article est une réflexion libre et indépendante du psychologue Félicien Mujola. Il analyse et donne son opinion sur la récente tentative d’évasion à la prison de Makala et les conséquences y relatives. Ce psychologue croit qu’il est possible, en RDC, d’avoir des prisons où ne se commet ni violence ni viol.
La prison, il faut le rappeler, est une institution dédiée à l’enfermement de certaines personnes condamnées. Ces personnes sont appelées prisonniers ou détenus. Par extension, le terme « prison » désigne également la peine d’incarcération. La prison a comme mission de surveillance, en assurant le maintien en détention des personnes.
Elle a aussi la mission de prévention de la récidive, menée par l’ensemble des personnels, dont les personnels d’insertion et de probation. La détention en prison, pour la plupart des cas, a de lourdes conséquences psychologiques et sociales. On peut les observer au cours et au décours de la période d’incarcération. C’est comme que l’anxiété, la dépression, les réactions de stress post-traumatiques, les troubles des conduites adductives et sexuelles, le remodelage de la personnalité,… Avec une tendance à la récidive variable d’un individu à l’autre.
Le viol carcéral, quant à lui, est le viol ayant lieu dans des prisons. Les détenu(e)s ou prisonniers célibataires, veuf(ves) ou mariés sont généralement séparé(e)s par sexe. Ce qui explique que ces agressions sont de nature, selon les constats faits lors de nos missions d’aide aux détenus, homosexuelle. Elles impliquent des violences sexuelles entre prisonniers sur d’autres prisonniers, ainsi que des viols commis par le personnel pénitentiaire sur les détenus ou l’inverse.
Prévenir les viols et violences en prison
La prévention des viols en milieu carcéral est à situer à plusieurs niveaux :
– Le rôle du/des surveillant(s) pénitentiaire est crucial, car la relation entre le surveillant et la personne détenue, fondée sur l’autorité, l’écoute, l’observation et la responsabilité, contribue activement à réduire les violences.
– La formation continue des surveillants pénitentiaires à la gestion des conflits et aux gestes techniques est à rendre systématique, en privilégiant les exercices en condition réelle,
– Mieux former les personnels d’accueil aux bonnes pratiques de sécurité, de façon à mieux prévenir et mieux gérer les incidents notamment violents,
– En parallèle, mettre en place un mécanisme de cartographie et une procédure de remontée des incidents auprès des acteurs qui agiront pour des sanctions,
– La prise en charge des agents victimes et/ou témoins de violences est renforcée : formation initiale aux premiers soins psychologiques à apporter immédiatement après une agression, renforcement du réseau de psychologues,
– Responsabilisation et implication des personnes détenues,
– La lutte contre les viols et les violences devra avoir pour objectif d’impliquer davantage dans la prévention des violences des détenus, par exemple, le dispositif du « codétenu accompagnant » qui consiste à mettre en relation une personne détenue arrivant dans un nouveau secteur avec l’un de ses pairs. Ce dernier, formé à la médiation, contribue à diminuer l’appréhension et les craintes, et participe ainsi à la l’apaisement des tensions,
– Proposer le développement d’activités et de programmes adaptés aux personnes détenues, afin de leur permettre de prendre conscience de leur comportement et de mieux appréhender leurs émotions.
– Une approche est de créer un espace ou un cadre de supervision entre les différents acteurs spécialisés dans la protection des vulnérables.
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Félicien Mujola Kitenge est Coordonnateur national de l'ONG "Psychologue Sans Frontières". Il est spécialisé en psychotraumatologie et victimologie. Expert en Justice Internationale et droits des victimes, il est Psychologue assermenté près le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi.