Passeport gate : le gouvernement a tâtonné, il a eu peur

L’annonce du passeport biométrique congolais aura surplombé, un bon temps, les débats sur élections en RDC. Le gouvernement a fait le choix de la “modernité”, envers et contre tous. Le peuple a été pris au dépourvu et constate que les dés étant jetés. Mais l’image de marque du pouvoir public en a pris un coup dur.  Les dirigeant avaient pourtant peur…

Tout est parti d’un communiqué de septembre, signé de la main d’Agée Matembo, vice-ministre aux Affaires étrangères. D’aucuns parlent d’amateurisme qu’inspire la procédure d’invalidation de passeport du gouvernement dans cette affaire qu’il aurait pu gérer autrement.

Un novice aux Affaires étrangères

Plusieurs congolaise ne s’intéressent plus à penser à la date d’expiration de leur jeune passeport semi-biométrique. Mais la manière dont le gouvernement l’a annoncé laisse perplexe. Le ministère a décidé par un outil non adapté : un communiqué.

D’abord, le patron des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, pèche en laissant pareille décision à un vice-ministre. Qui plus est, fait ses premiers pas en diplomatie étrangère. Agée Matembo a été conseiller de Christian Mwando, alors ministre des finances du Katanga, sous Moïse Katumbi. Débauché pour dédoubler le parti Unadef passé à l’opposition en 2016, il en est à sa plus grande ascension politique.

Pages intérieures du passeport semi-biométrique invalidé en RDC. Photo Didier Makal

Sa première grande action dans ce ministère se révèle alors maladroite. Les passeports sont, en effet, une matière sensible. Ils concernent une catégorie des Congolais à revenus intermédiaires, mais aussi la diaspora, connus pour être critiques. Se les mettre sur le dos est sans doute risqué, pour Kinshasa miné par une crise politique d’alternance qui s’enlise. Invalider le passeport devait être une décision dûment murie. Ce qui semble n’avoir pas été le cas, au vu des tâtonnements observés.

Un communiqué à la place d’un arrêté ministériel

Deuxième erreur. Le ministre Okitundu a lui-même reconnu l’existence d’un vice de procédure, pour avoir agi par communiqué que par arrêté. Les députés nationaux sont d’accord que la procédure est porteuse des failles. Henri-Thomas Lokondo, par exemple, député national de la majorité au pouvoir, a semblé se rallier à la population avec un message clair pour Joseph Kabila.

Lire “Passeportgate : les députés ont-ils plié devant She Okitundu ?

Pour lui, Agée Matembo devrait aller dire au chef de l’Etat que le peuple congolais ne veut pas entendre parler de cette mesure qu’il voudrait voir annuler. Il a déploré, en plus, que Léonard She Okitundu se soit permis de se référer à Joseph Kabila que la loi ne reconnaît pas responsable des actions du gouvernement devant le parlement.

Le pire pour certains congolais, c’est aussi de savoir que ces passeports sont produits avec le concours des étrangers. La RDC n’a donc pas ainsi l’entier contrôle de ces documents « sensibles ». Présentant l’ancien passeport comme « facile à imiter », par « des réseaux mafieux, des terroristes », le ministre ne pourrait rassurer que à travers les étrangers accédant aux données biométriques la fraude ne puisse avoir lieu.

Kinshasa reconnaît son tort mais ne plie pas

Par ailleurs, il faut constater que le gouvernement n’a pas anticipé les conséquences de l’invalidation de l’ancien passeport. Le plus grave c’est aussi lorsque cette mesure a été repoussée au 14 janvier 2018. En même temps, le coût du nouveau passeport a été rabattu à 100 USD au lieu de 185, prix officiel. Un signe que le gouvernement a reconnu une décision pour le moins malencontreuse. Et donc, des dommages aux porteurs d’anciens passeports. Mais, curieusement, qu’il s’obstine à mettre au tort des citoyens qui n’ont rien fait pour le mériter.

« Nous parlons dans le néant. Il n’y a pas de décision à appliquer, car un gouvernement ne publie pas ses décisions par un communiqué, du reste signé par un vice-ministre », a constaté le député Mayo. Il aura probablement raison et ce sera là que les parlementaires auront désarmé.

Eric Cibamba

Quitter la version mobile