La conférence de presse du lundi 28 mai 2018 du ministre Mende réunit plusieurs éléments pour ne pas être anodin. La question dépasse le seul cadre de la désormais rhétorique propre au ministre Lambert Mende. « Politiquement et militairement, nous avons des moyens », prévient Kinshasa, presque belliqueux. On peut voir cette communication sous trois angles différents.
A Kinshasa, plusieurs politiques soutiennent que les puissances européennes complotent contre la RDC. Elles en voudraient à ses ressources naturelles, ce qui explique une insécurité persistante tout le mandat de Joseph Kabila en veulent au Rwanda. Pays ayant soutenu des rébellions contre le Congo, le Rwanda passe ainsi pour la cause de tous les malheurs congolais. Mais, ce regard tend souvent à dédouaner de nombreux responsables congolais de leurs responsabilités dans le désordre qui secoue le pays.
- Lire notre article : La RDC prête à défendre sa souveraineté, même militairement
Kagame pour une solution en RDC
Que dans ce contexte, le président Kagame soit accueilli avec « respect » à Paris, on s’en occupe pas à Kinshasa. Mais qu’à l’occasion on presse Joseph Kabila qu’il quitte le pouvoir après ses 2 mandats dérange. Puisque la France ferme les yeux sur le régime sévère de Paul Kagame qui dure au pouvoir plus que celui de Kabila.
D’autant plus que, dans la déclaration ambiguë du président Macron, apparaît pour le régime du président Kabila une sorte de menace. Et c’est la lecture que semble en donner le ministre Mende dans sa déclaration. D’autant plus que ces derniers jours, la pression semble repartir de plus belle contre le président Kabila soupçonné de briguer un 3e mandat. Mende l’a sans doute nié. Mais plusieurs personnes ont vu à Kinshasa des affiches qui l’annoncent. Et même des propos que les évêques catholiques ont dénoncés comme dangereux.

Macron, pour dire à Kabila « ça suffit » ?
Le discours de Macron sonne ainsi clairement comme une mise en garde contre le président Kabila et ses proches. Et ça déclenche, une nouvelle fois, la fougue de Kinshasa. Et c’est l’autre message fort de la communication de Mende.
Mais pour le président Macron, la tentation de soigner l’image de la France auprès des Congolais pourrait justifier en partie cette attitude. Après avoir été accusée, avec l’Espagne, de bloquer des sanctions européennes contre Kinshasa pour la répression des manifestations anti-Kabila.
En sa qualité de président de l’Union africaine, le président Kagame peut prendre des initiatives de paix dans n’importe quel pays membre. Sauf qu’à propos de la RDC, toute initiative, même sincère, peut mal passer en RDC. Un pays avec lequel il partage frontières et conflits qui durent plus de 20 ans. Pour cela, Macron aurait dû sept fois retourner sa langue.
Kinshasa prêt pour se défendre contre une épreuve de force
Que le président rwandais soit associé à cette pression sonne Kinshasa comme une menace. Par simple association des idées ou parce qu’il y a réelle menace? Kinshasa organise ou l’a déjà fait, sa défense contre une épreuve de force. En tout cas les mots pour le dire sont clairs : « Nous avons un peuple plus aguerri, une armée plus équipée. Quiconque viendrait avec des manœuvres hostiles, ce ne sera pas une promenade de santé ».
Est-ce pour corroborer l’exhumation d’un vieil accord de coopération militaire avec la Russe ? En tout cas RFI s’interroge à propos. Le régime l’a oublié, en effet, durant 19 ans (signé en 1999) à l’arrivée de Joseph Kabila au pouvoir. Une façon, en cette année 2001, de dire à l’Occident la rupture avec la politique de Laurent-Désiré Kabila. Cette fois, c’est presqu’un message de rupture avec le bloc des « impérialistes », d’après la rhétorique de monsieur Mende.

Pour dire au régime Kabila qu’on ne le respecte pas
Dernier message de cette sortie médiatique moins anodine du porte-parole du gouvernement congolais : une mise à l’écart de la RDC. Une situation naturellement difficile à supporter pour n’importe quel gouvernement. Non pas par simple satisfaction d’égo, mais par principe même de respect entre Etats.
Mais au-delà de cette bourde diplomatique, à laquelle Kinshasa répond par des mots durs, se cache une réalité inédite. Que des discussions aient lieu entre Etats sur un pays, sans que les responsables de ce dernier n’en soient informés étonne. Soit ces responsables ne sont plus respectés, ce qui semble le cas de la RDC. Soit encore, il se trame alors un complot ce que fait croire par ailleurs Kinshasa. Dans tous les cas, c’est ce dernier qui perd, obligé comme l’a fait monsieur Mende, de s’enfermer dans un nationaliste très marqué. Un dernier refuge, ou presque !
Immanquablement, que Kinshasa fustige le fait que des décisions ou discussions se prennent sans ses responsables est un aveu de faiblesse. Il aurait pu y travailler durant voici près de 20 ans. Que la RDC s’en trouve à ce point-là étonne.