De la maltraitance au détournement passant par la surfacturation de la participation aux examens d’Etat, l’inspecteur principal provincial (IPP) et le Directeur de l’enseignement (PROVED) dans la province éducationnelle du Haut-Katanga 1, seraient des bourreaux pour leurs collaborateurs. Ils sont accusés de surcharger tant les parents que les chefs d’établissement. L’IPP et le PROVED, contactés, ont accepté de clarifier les doutes et fixer l’opinion.
Le fait et le contexte de l’enquête
Par un long message reçu via Messenger, une alerte nous est parvenue le 26 septembre 2024. L’auteur qui souhaitait préserver son anonymat écrit (extrait) :« Je suis chef d’établissement d’une école de la place [Lubumbashi]. Depuis deux ans, nous sommes victimes d’une maltraitance de la part de nos autorités scolaires en province. Je cite le PROVED, Joseph Mwinkeu Tshiend et l’IPP, Nicolas Nyange. »
Parlant des montants exorbitants, l’auteur a écrit :
« La première année, on a demandé aux élèves finalistes 24 000Fc [Fc = Francs congolais] pour une fiche E01 qui est en réalité un petit papier à la dimension A5 qui couterait, avec impression, un maximum de 5 000Fc. Ils ont exigé, la même année, 9 000Fc de numérisation de cette fiche [E01] : un travail que nous, chefs d’établissement, faisons sans motivation. »
La suite du message est un chapelet d’accusations avec des chiffres précis et certains détails qui ont aigué notre curiosité. Nous avons alors contacté les accusés qui, sans effort, nous ont ouvert leurs portes. L’IPP étant en dehors de la ville, il était représenté par Fidèle Mayamba qui assume ses fonctions temporairement.
Frais exorbitants et exploitation des chefs d’établissement ?
A ce sujet, le PROVED et l’IPP incriminés, considèrent que l’auteur des accusations serait soit mal informé, soit mal intentionné sinon manipulé. En effet, avec preuves à l’appui, ils nous ont présenté le processus de fixation des frais d’enrôlement aux examens d’Etat et ceux qui participent à cette fixation.
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A propos de la fiche E01, Fidèle Mayamba, IPP ad interim explique :
« Nous sommes passés du système manuel au numérique, tant pour les fiches que pours les photos. Et cela est une avancée nationale, pas que dans notre province éducationnelle. A part la seule copie de la fiche E01 qu’on remet à l’élève, tout reste dans le système informatique de l’inspection générale. On capture les photos dans les écoles suivant le format officiel avant d’intégrer automatiquement le système suivant les informations de chaque candidat [élève]. Et c’est désormais ainsi dans toutes les provinces éducationnelle ».
Sans blâmer l’accusateur, le PROVED Joseph Mwinkeu Tshiend, se dit choqué et supris. Car, tous les frais payés dans le processus d’enrôlement aux examens d’Etat ne sont ni imposés ni illégaux, ni propres à la province.

« Les frais de participations à ces examens sont proposés en collège par le comité provincial de l’EPST, explique le PROVED. Il est composé de 21 personnes dont l’IPP et moi, les représentants des parents, des syndicats, des promoteurs d’écoles, des préfets, etc. Les propositions retenues sont ensuite soumises au cabinet du ministre nationale de l’EPST qui en vérifie la conformité. S’il les approuve, le PROVED est notifié et appelé à les soumettre au gouverneur de sa province pour les couler en arrêté. Dès lors, vous comprenez que les frais sont décidés par plusieurs intervenants, ne reviennent pas à la province et sont contrôlés à différents niveaux. »
En effet, ce comité provincial est autorisé par la loi cadre sur l’enseignement national en RDC. Quant à la maltraitance dont ils sont accusés, l’IPP et le PROVED rappellent que les chefs d’établissement n’accomplissent que le travail qui leur revient. Et s’ils doivent être payés, cela n’est pas une charge de la province.
De l’encadrement de la numérisation et des frais y afférents
Dans le message déclencheur, le chef d’établissement est revenu sur le processus de numérisation qui, selon lui, est déjà supprimée. Il écrit : « La session 2024, ils [PROVED et IPP] ont exigé 50 000Fc sans en faire la répartition. Et pour cette session 2025, malgré la suppression de la numérisation, ces deux autorités exigent 55 000Fc pour l’enrôlement, sans fournir les détails ».
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Nous avons vérifié et il s’avère que l’accusation n’est pas fondée. En effet, les 55 000Fc exigés sont bien réels et couvrent toutes les opérations d’enrôlement des élèves. Et de toutes ces opérations, seule la fiche E01 est remise en dur à l’élève, preuve qu’il est réellement enregistré. Ceci est soutenu par un préfet d’une école de Kamalondo qui a aussi requis l’anonymat.
A propos de la numérisation, non, elle n’est pas encore supprimée. Toutes les provinces éducationnelles de la RDC l’applique sauf Kinshasa, insiste Fidèle Mayamba. Seuls les frais de capture de photos sont déjà supprimés par la correspondance N° MINEDU-NC/CABMINETAT/JNK/JNK/0291/2024 du 20 septembre 2024. Elle émanait de la ministre de l’EPST, Raïssa Malu Dinanga. Car, les frais de numérisation englobent déjà ceux des photos. Et cela était déjà en vigueur dans la province du Haut-Katanga 1.

Et par la correspondance ministérielle N° MINEPST/CABMINE/JK/1664/2024 adressée à l’Inspection générale, le 13 septembre 2022. A l’époque, le ministre de l’EPST avait décidé de l’insertion de 9 000Fc comme frais dédiées à la numérisation. Ils sont perçus en province et envoyés à Kinshasa. Preuve, s’il en faut, que la numérisation n’a pas cessé au pays.
Haut-Katanga 1, un géant aux mille défis
La province éducation du Haut-Katanga 1 est la deuxième plus importante de République démocratique du Congo, de par sa superficie. Elle présente donc des défis spécifiques que les autorités doivent affronter. Le PROVED de cette province rassure que rien ne sera laissé de coté si la réussite de sa mission en dépend.
En effet, affirme-t-il, la mission des autorités de la province éducationnelle du Haut-Kat anga 1 est « la pérennisation de la gratuité de l’enseignement de base et combattre les antivaleurs qui rongent le système ». Joseph Mwinkeu Tshiend estime que son engagement en collaboration avec l’IPP est un combat noble qui mérite d’être mené.
De la corruption à la complaisance à différents niveaux, le système éducatif congolais a besoin d’hommes et de femmes capables de le relever et de le redorer. Une mission qui ne pourrait réussir sans un engagement civique irréprochable et collectif. En attendant, les prochains examens d’Etat se préparent pour le milieu de l’année civile prochaine.
Par Fidèle Bwirhonde
*Photos : Fournies par le service de communication de la direction de l’EPST